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acquérir la triste expérience des méchancetés de salon. Mais, avoue que tu serais la première à me blâmer si, moi qui l’ai, cette expérience, je laissais se prolonger une situation qui risque de me compromettre d’abord, et, puis… » Elle eut un petit tremblement dans la voix, qui n’était pas joué, « et puis, » répéta-t-elle, « qui me fait souffrir. »

– « Tu as donc changé de sentiments depuis ces derniers jours ? » interrogea Mme Liébaut. « Oui, » insista-t-elle, « si tu l’aimes comme tu me l’as dit, peux-tu souffrir de constater qu’il t’aime aussi ? Et il t’aime. Je te le répète, sa conduite est inexplicable autrement. »

– « Et trouves-tu explicable, s’il m’aime, » reprit vivement la veuve, « qu’il n’essaie jamais de me parler plus intimement, de se rapprocher de moi ?… Quand nous nous rencontrons au théâtre, tu sais son attitude. Quand il vient en visite à la maison, s’il me trouve seule, il reste à peine vingt minutes, et c’est de sa part un effort pour soutenir la plus banale conversation qui contraste par trop avec d’autres circonstances où nous l’avons vu, toi et moi, si vif d’esprit, si prompt à la repartie, si brillant enfin. Arrive-t-il quand il y a déjà quelque personne ? On dirait qu’il en est heureux. Il reste là, s’il le peut, jusqu’à ce que le visiteur parte. Le plus souvent il s’en va avec lui… Je ne suis pas une de ces sottes qui s’imaginent,