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la fenêtre, voilée dans sa partie basse par des rideaux faits de carrés en filet, où la jolie fantaisie de Madeleine avait copié des dessins gothiques : une licorne, une dame sur sa haquenée, une Mort montrant à une autre dame un miroir, une Fortune debout sur sa roue. Tout dans cet asile, ménagé à côté du grand salon réservé aux attentes des consultations, révélait le goût fin de la jeune femme. Une harmonie douce d’anciennes étoffes augmentait l’intimité de cette pièce. Les portraits, suspendus aux murs ou posés sur les tables, l’abondance des livres placés à la portée de la main, le bureau aménagé pour écrire à l’abri de son paravent, les bibelots partout épars, les fleurs groupées dans leurs vases lui donnaient cette physionomie d’une chambre très habitée, ce je ne sais quoi de très personnel qui ne s’oublie pas plus que l’expression d’un visage. L’artisane de cet « arrangement », comme eût dit Whistler, « en rose pâle et en bleu passé, en rouge mort et en vert éteint », se tenait en ce moment allongée plutôt qu’assise dans un des fauteuils. Elle était vêtue d’une robe faite pour la chambre, – une espèce de tea-gown de souple soie mauve et de dentelles. Elle avait bien toujours les masses épaisses de ses cheveux blonds à reflets châtains, la même grâce accorte et souple dans sa beauté, les mêmes yeux bleus dont le regard se posait comme une caresse. Mais ses joues s’étaient un peu creusées, son teint s’était pâli, une