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LE DISCIPLE

c’est que mon fils n’est pas coupable. Je le jure sur la mémoire de son père. Ah ! croyez-vous que je le défendrais comme cela si je le sentais criminel ? Je demanderais pitié, je sangloterais, je prierais, au lieu que, maintenant, je crie justice, justice ! Non, ces gens-là n’avaient pas le droit de l’accuser, comme ils ont fait, de le jeter en prison, de déshonorer notre nom, pour rien, pour rien. Car enfin, monsieur, je vous l’ai démontré, il n’y a pas une preuve. »

— « S’il est innocent, alors, pourquoi cette obstination à se taire ?… » dit le philosophe, qui pensa en lui-même que la pauvre femme ne lui avait rien démontré, sinon son acharnement à lutter contre l’évidence.

— « Hé ! s’il était coupable, il parlerait, » s’écria Mme Greslou, « il se défendrait, il mentirait ! Non, » ajouta-t-elle d’une voix plus sourde, « il y a un mystère. Il sait quelque chose, cela, j’en suis sûre, qu’il ne veut pas dire. Il a quelque raison de ne pas parler. Pourquoi ? Peut-être pour ne pas la déshonorer, cette jeune fille, puisqu’ils prétendent qu’il l’aimait ?… Ah ! monsieur, » fit-elle en joignant les mains, « si j’ai voulu à tout prix vous voir, si j’ai quitté Riom pour deux jours, c’était aussi pour cela. Il n’y a que vous qui puissiez le faire parler, obtenir de lui qu’il se défende, qu’il se justifie, qu’il dise. Il faut que vous me promettiez de lui écrire, de venir là-bas. Vous