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LE DISCIPLE

lisme dans la famille, peut-être aurait-on là un beau cas de ce que Legrand du Saulle appelle l’épilepsie larvée. Nous expliquerions ainsi le mutisme de ce jeune homme, et ses dénégations pourraient être de bonne foi. C’est la différence essentielle que du Saulle indique entre l’épileptique et l’aliéné. Ce dernier se souvient de ses actes. L’épileptique les oublie… Serait-ce donc un épileptique larvé ?… » Parvenu à ce point de sa rêverie, le philosophe eut un moment de véritable joie. Il venait, suivant une habitude chère à ceux de sa race, de fabriquer une construction d’idées qu’il prenait pour une explication. Il considéra cette hypothèse de plusieurs côtés, se remémorant divers exemples cités par son auteur dans son beau traité de médecine légale, tant et si bien qu’il arriva jusqu’au jardin des Plantes, où il pénétra par la grande porte du quai Saint-Bernard. Il tourna sur la droite par une allée plantée d’arbres anciens dont les fûts se contorsionnent, blindés de fer et recrépis de plâtre. Il flottait dans l’air devenu très vif un sauvage relent émané des bêtes fauves qui tournent dans leurs cages grillées, près de là. Le philosophe fut distrait de sa méditation par cette odeur, et il se prit à contempler un grand vieux sanglier, de hure énorme, qui, debout sur ses pattes minces ; tendait son mufle, mobile et avide, entre ses défenses.

— « Et dire, » songea le savant, « que nous ne