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LE DISCIPLE

monsieur, » dit M. Sixte après un silence ; mais le juge commençait à voir qu’il était inutile de ruser avec un homme aussi simple, et il comprit que ce silence indiquait simplement la recherche d’une expression rigoureusement exacte à donner à la pensée. « Je sais seulement le sens que j’attacherais, moi, à cette formule, et probablement ce jeune homme était trop instruit des travaux de la psychologie pour ne pas penser de même… Il est évident que dans les autres sciences d’observation, telles que la physique ou la chimie, la contre-épreuve d’une loi quelconque exige une application positive et concrète de cette loi. Quand j’ai décomposé l’eau, par exemple, en ses éléments, je dois pouvoir, toutes conditions égales d’ailleurs, reconstituer de l’eau avec ces mêmes éléments. C’est là une expérience des plus vulgaires, mais qui suffit à résumer la méthode des sciences modernes. Connaître d’une connaissance expérimentale, c’est pouvoir reproduire à volonté tel ou tel phénomène, en reproduisant ses conditions… Avec les phénomènes moraux, un tel procédé est-il admissible ? Je crois, pour ma part, que oui, et en définitive ce que l’on appelle l’éducation n’est pas autre chose qu’une expérience psychologique plus ou moins bien instituée, puisqu’elle se résume ainsi : étant donné tel phénomène, — qui s’appelle tantôt une vertu, la patience, la prudence, la sincérité ; tantôt une aptitude intellectuelle,