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LE DISCIPLE

Il y a contre lui des présomptions terribles, il n’y a pas une certitude absolue. Vous voyez donc, monsieur, pour employer le langage de la Science où vous excellez, qu’une question de psychologie dominera tout le débat. Quelles étaient les idées, quel était le caractère de ce jeune homme ? Il est évident que s’il s’occupait avec beaucoup d’intérêt d’études très abstraites, les chances de sa culpabilité diminuent… » En prononçant cette phrase où le savant ne devina pas un piège, Valette semblait de plus en plus indifférent. Il n’ajoutait pas que précisément un des arguments de l’accusation, mis en avant par le vieux marquis de Jussat, consistait à prétendre que Robert Greslou avait été corrompu par ses lectures. Il s’agissait d’amener M. Sixte à bien caractériser le genre de principes dont le jeune homme avait été imprégné.

— « Interrogez, monsieur, » répondit le savant.

— « Voulez-vous que nous commencions par le commencement ? » dit le juge. « Dans quelles circonstances et à quelle date avez-vous fait la connaissance de Robert Greslou ? »

— « Il y a deux ans, » dit le philosophe, « et à propos d’un travail purement spéculatif sur la personnalité humaine, qu’il vint me soumettre lui-même. »

— « Et l’avez-vous vu souvent ? »

— « Deux fois seulement. »

— « Quelle impression vous produisit-il ? »