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LE DISCIPLE

muée. Ces gouttes brunâtres étaient aussi des gouttes de noix vomique. Plus de doute : Mlle de Jussat était morte empoisonnée. L’autopsie acheva de le démontrer. Était-on en présence d’un suicide ou d’un meurtre ?… Un suicide ? Mais quel motif cette jeune fille, sur le point de se marier à un homme charmant et qu’elle avait agréé, pouvait-elle avoir eu de se tuer ? Et de quelle manière, sans un mot d’explication, sans une lettre d’adieu à ses parents !… D’autre part, comment s’était-elle procuré le poison ? Précisément cette recherche mit la justice sur la trace de l’accusation qui nous occupe aujourd’hui. Interrogé, le pharmacien du village déposa que, six semaines auparavant, le précepteur du château lui avait demandé de la noix vomique pour soigner une maladie d’estomac. Or ce précepteur était parti pour Clermont, sous prétexte d’aller voir sa mère malade, le matin même du jour où l’on avait découvert le cadavre, soi-disant appelé par une dépêche. Il fut établi, coup sur coup, que cette dépêche n’avait jamais été reçue, que la nuit même du crime un domestique avait vu Robert Greslou sortir de la chambre de Mlle Charlotte, enfin que le flacon de poison, acheté chez le pharmacien et que l’on retrouva chez le jeune homme, avait été vidé à moitié, puis rempli de nouveau, pour combler le vide ainsi laissé, avec de l’eau simple, afin d’éviter les soupçons. D’autres témoignages