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LE DISCIPLE

tressaillir : Affaire Greslou. Un silence régnait dans cette pièce, coupé par le bruit des papiers froissés et par le craquement de la plume du greffier. Ce dernier se préparait à noter l’interrogatoire avec l’impersonnelle indifférence qui distingue les hommes habitués à jouer le rôle de machines dans les drames de la cour d’assises. Un procès pour eux ne se distingue pas plus d’un autre que pour un employé des pompes funèbres un mort ne se différencie d’un mort, ou pour un garçon d’hôpital un malade d’un malade.

— « Je vous épargnerai, monsieur, » dit enfin le juge, » les questions habituelles… Il y a des noms et des hommes qu’il n’est pas permis d’ignorer… » Le philosophe ne s’inclina même pas sous le compliment. — « Pas d’usage du monde, » pensa le magistrat ; « ce sera un de ces hommes de lettres qui croient devoir nous mépriser. » Et tout haut : « J’arrive au fait qui a motivé la citation que j’ai dû vous adresser… Vous connaissez le crime dont est accusé le jeune Robert Greslou. »

— « Pardon, monsieur, » interrompit le philosophe en quittant la position qu’il avait prise instinctivement pour écouter le juge, le coude sur le fauteuil, le menton sur la main et l’index sur sa joue, comme dans les minutes de ses grandes méditations solitaires, « je n’en ai pas la moindre notion. »

— « Tous les journaux l’ont cependant rap-