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LE DISCIPLE

Permettez-moi de dire qu’il est au moins extraordinaire que votre première idée n’ait pas été d’éclairer la Justice en la lui communiquant… »

— « Elle contenait, » dit le comte, « un secret que j’aurais voulu cacher au prix de mon sang… »

Il a raconté plus tard à l’ami qui resta si parfait jusqu’à la fin de ce drame, à ce Maxime de Plane choisi par lui pour frère, que ç’avait été là le moment le plus terrible de son sacrifice, — mais qu’à partir de cette minute, l’émotion fut comme supprimée en lui par son excès même. Les terribles détails de la lettre de la morte, il dut les donner, — et raconter ses propres sensations, et tout confesser de ses agonies. Quant à ce qui suivit, il a déclaré lui-même qu’il s’en rappelait seulement quelques détails matériels, — et les plus inattendus : — le froid sous sa main d’une colonne de fer contre laquelle il s’appuya quand il dut s’asseoir au banc des témoins d’où l’on venait d’emporter son père, qui s’était évanoui aux derniers mots de sa déposition… Il a dit avoir remarqué aussi le traînant accent lorrain du procureur général qui se leva pour abandonner l’accusation… Combien de temps s’écoula-t-il entre cette phrase du procureur, le discours de l’avocat de Greslou, la sortie du jury et sa rentrée avec un verdict négatif ? Il n’a jamais pu s’en rendre compte, non plus que de l’emploi de sa soirée, quand, la salle une fois vidée, le gardien