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LE DISCIPLE

mots et devant l’affirmation du comte qu’il apportait la preuve de l’innocence de l’accusé :

— « Dans ces conditions, monsieur, » dit le magistrat, sur le visage de qui s’était comme posé un masque de stupeur, « je ne peux recevoir vos confidence… L’audience va être reprise et vous allez être entendu comme témoin, pourvu que ni l’accusation ni la défense ne s’y opposent. »

Ainsi aucune des étapes de son calvaire ne serait évitée au frère de Charlotte ! Il venait se heurter à cette machine impassible de la Justice qui ne tient pas, qui ne peut pas tenir compte de la sensibilité humaine. Il lui fallut s’asseoir dans la chambre des témoins, et se souvenir de la scène qui s’y était passée — si peu d’heures auparavant ! — entre son père et la mère de Greslou, puis entrer de là dans la salle des assises. Il vit le mur nu avec l’image du Crucifié qui dominait cette salle, les têtes tournées vers lui dans une attention suprême, le président de nouveau entre les assesseurs, le procureur général et l’avocat général assis dans leurs robes rouges ; les jurés à gauche du tribunal. Robert Greslou se tenait à droite sur le banc des prévenus, les bras croisés, livide, mais impassible, et du monde se pressait partout, derrière les magistrats, dans les tribunes. Au banc des témoins André reconnut son père et ses cheveux blancs. Cette vue lui serra le cœur, —