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LE DISCIPLE

En se réveillant, au lendemain de cette sorte de confession générale faite à lui-même et pour lui-même, Adrien Sixte se retrouva calme encore. Il était trop habitué à se regarder penser pour ne pas chercher une cause à cette volte-face de ses impressions, et d’une bonne foi trop entière pour ne pas reconnaître cette cause. Il devait cette accalmie momentanée de ses remords au simple fait d’avoir admis comme vraies, pendant quelques heures, des idées sur la vie morale qu’il condamnait par sa raison. « Il y a donc des idées bienfaisantes et des idées malfaisantes, » conclut-il. « Mais quoi ? La malfaisance d’une idée prouve-t-elle sa fausseté ? Supposons que l’on puisse cacher au marquis de Jussat la mort de Charlotte, il s’apaiserait dans l’idée que sa fille est vivante. Cette idée lui serait salutaire. En serait-elle vraie pour cela ?… Et inversement… » Adrien Sixte avait toujours considéré comme un sophisme, comme une lâcheté, l’argumentation dirigée par certains philosophes spiritualistes contre les funestes conséquences des doctrines nouvelles, et, généralisant le problème, il se dit encore : « Tant vaut l’âme, tant vaut la doctrine. La preuve en est que ce Robert Greslou a transformé les pratiques religieuses en un instrument de sa propre perversité… » Il reprit le mémoire pour y rechercher les pages consacrées par l’accusé à ses sensations d’église ; puis, cette lecture le fascinant de