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LE DISCIPLE

compris, consolé, aimé ; qu’une voix me plaigne et me dise des paroles qui dissipent les fantômes. J’avais dressé en esprit, quand j’ai commencé ces pages, une liste des questions que je voulais vous poser à la fin. Je m’étais flatté que j’arriverais à vous raconter mon histoire comme vous exposez vos problèmes de psychologie dans vos livres que j’ai tant lus, et je ne trouve rien à vous dire que le mot du désespoir : « De profundis ! » Écrivez-moi, mon cher maître, dirigez-moi. Renforcez-moi dans la doctrine qui fut, qui est encore la mienne, dans cette conviction de l’universelle nécessité qui veut que même nos actions les plus détestables, les plus funestes, même cette froide entreprise de séduction, même ma faiblesse devant le pacte de mort, se rattachent à l’ensemble des lois de cet immense univers. Dites-moi que je ne suis pas un monstre, qu’il n’y a pas de monstre, que vous serez encore là, si je sors de cette crise suprême, à me vouloir comme disciple, comme ami. Si vous étiez un médecin, et qu’un malade vint vous montrer sa plaie, vous le panseriez par humanité. Vous êtes un médecin aussi, un grand médecin des âmes. La mienne est bien profondément blessée, bien saignante. Je vous en supplie, une parole qui la soulage, une parole, une seule, et vous serez à jamais béni de votre fidèle

« Robert Greslou. »