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LE DISCIPLE

trois actions indignes… La première a eu pour excuse que je ne vous ai pas cru capable d’une infamie comme celle que vous avez employée… D’ailleurs je saurai l’expier, » ajouta-t-elle comme se parlant à elle-même. « La seconde ? Je ne lui cherche pas d’excuse… » Et son visage s’empourpra d’un flot de honte. « Il m’a été trop insupportable de penser que vous aviez agi ainsi. J’ai voulu être sûre de ce que vous étiez. J’ai voulu vous connaître… Vous m’aviez dit que vous teniez votre journal… J’ai voulu le lire… Je l’ai lu… Je suis entrée chez vous quand vous n’y étiez pas. J’ai fouillé vos papiers. J’ai forcé la serrure d’un cahier… Oui, moi, J’ai fait cela !… J’en ai été trop punie, puisque j’ai lu dans ces pages ce que j’y ai lu… La troisième… En vous la disant j’acquitte la dette que j’ai contractée avec vous par la seconde. La troisième… » et elle hésita, « sous le coup de l’indignation qui m’a saisie, j’ai écrit à mon frère. Il sait tout. »

— « Ah ! » m’écriai-je, « vous êtes perdue… »

— « Vous savez ce que j’ai juré, » interrompit-elle, et, mettant de nouveau la main sur la sonnette : « Taisez-vous… Je ne peux plus me perdre, » continua-t-elle, « et personne ne fera plus rien ni pour ni contre moi. Mon frère saura cela aussi, et ce que j’ai résolu. La lettre lui arrivera demain matin. Je devais vous prévenir,