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LE DISCIPLE

Il fallait qu’elle ne pût pas me renvoyer ce billet sans le lire. Je le posai donc tout ouvert sur sa table de nuit, au risque de me perdre et de la perdre, si la femme de chambre y jetait les yeux. Ah ! comme mon cœur battait, lorsque, à onze heures moins cinq minutes, je m’acheminai vers sa porte et que j’appuyai sur le loquet ! Le verrou n’était pas mis. Elle m’attendait. Je vis au premier regard que la lutte serait dure. Sa physionomie disait trop clairement qu’elle ne m’avait pas laissé venir pour me pardonner. Elle portait sa robe du soir en étoffe sombre, et jamais l’éclair de ses yeux n’avait été plus fixe, plus implacablement fixe et froid.

— « Monsieur, » fit-elle dès que j’eus refermé la porte et comme j’étais là immobile, « j’ignore ce que vous avez l’intention de me dire, je l’ignore et je ne veux pas le savoir… Ce n’est pas pour vous écouter que je vous ai laissé entrer. Je vous le jure, — et je sais tenir ma parole, moi, — si vous faites un pas en avant et si vous essayez de me parler, j’appelle et je vous fais jeter dehors comme un voleur… »

En prononçant ces mots, elle avait posé son doigt sur le bouton de la sonnette électrique placée au chevet de son lit. Son front, sa bouche, son geste, sa voix, traduisaient une telle résolution que je dus me taire. Elle continua :

— « Vous m’avez, monsieur, fait commettre