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LE DISCIPLE

physiologie du cerveau, dans les Sciences Mathématiques ; enfin, il se donna, comme l’a dit de lui-même un des grands écrivains de notre époque, cette « violente encéphalite », cette espèce d’apoplexie de connaissances positives qui fut le procédé d’éducation de Carlyle et de Mill, de M. Taine et de M. Renan, de presque tous les maîtres de la philosophie moderne. En 1808, le fils du petit horloger de Nancy, âgé alors de vingt-neuf ans, publia un gros volume de 500 pages intitulé : Psychologie de Dieu, qu’il n’envoya pas à plus de quinze personnes, mais qui eut la fortune inattendue d’un scandaleux retentissement. Ce livre, écrit dans la solitude de la pensée la plus intègre, présentait ce double caractère d’une analyse critique, aiguë jusqu’à la cruauté, et d’une ardeur dans la négation, exaltée jusqu’au fanatisme. Moins poète que M. Taine, incapable d’écrire la magnifique préface de l’Intelligence et le morceau sur l’universel phénoménisme ; moins desséché que M. Ribot, qui préludait déjà par ses Psychologues anglais à la belle série de ses études, sa Psychologie de Dieu alliait à la fois l’éloquence de l’un à la pénétration de l’autre, et elle avait la chance, non cherchée, de s’attaquer directement au problème le plus passionnant de la métaphysique. Une brochure d’un évêque très en vue, une allusion indignée d’un cardinal dans un discours au Sénat, un article foudroyant du plus brillant