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LE DISCIPLE

un léger tressaillement. Puis ce fut tout. Dieu ! Quelle étrange semaine je passai ainsi, m’attendant chaque matin à ce qu’elle eût parlé, crucifié par cette attente et incapable de prendre les devants moi-même et de quitter le château ! Ce n’était pas seulement faute d’un prétexte. Une brûlante curiosité me retenait là. J’avais voulu vivre autant que penser. Hé bien ! Je vivais, et avec quelle fièvre ! Enfin, le huitième jour, le marquis me fit demander de venir dans son cabinet. « Cette fois, » me dis-je, « l’heure a sonné. J’aime mieux cela… » Je m’attendais à un visage terrible, à des mots injurieux. Je trouvai au contraire l’hypocondriaque souriant, l’œil vif, l’air rajeuni.

— « Ma fille, » me dit-il, « continue d’être très souffrante… Rien de bien grave… Mais de bizarres accidents nerveux… Elle veut absolument consulter à Paris… Vous savez, elle a déjà été très malade et guérie par un médecin en qui elle a confiance. Je ne serai pas fâché de le consulter aussi pour moi-même. Je pars avec elle après-demain. Il est possible que nous fassions ensuite un petit voyage pour la distraire… Je tenais à vous donner quelques recommandations particulières au sujet de Lucien, pour le temps de mon absence, quoique je sois content de vous, mon cher monsieur Greslou, très, très content… Je l’écrivais à Limasset hier… C’est un bonheur