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LE DISCIPLE

autre… L’instruction, monsieur, pour moi, ce n’est rien, pire que rien quelquefois, quand ça vous fausse les idées… La grande chose dans cette vie, je devrais presque dire : l’unique chose, c’est le caractère… »

Il fit une pause comme pour me demander mon opinion ; je répondis par une phrase banale et qui appuyait dans son sens.

— « Très bien, » continua-t-il, « nous nous entendrons. À l’heure présente, voyez-vous, il n’y a en France, pour un homme de notre nom, qu’un métier : soldat… Tant qu’à l’intérieur ce pays-ci sera aux mains de la canaille et qu’au dehors nous aurons l’Allemagne à battre, notre place est dans le seul endroit propre qui nous reste : l’armée… Grâce à Dieu, mon père et ma mère partagent ces idées. Lucien sera soldat, et un soldat n’a pas besoin d’en savoir si long, quoi qu’en jabotent les gens d’aujourd’hui… De l’honneur, du sang-froid et des muscles, quand avec cela on aime bien la France, tout va. J’ai eu toutes les peines du monde à être bachelier, moi qui vous parle… C’est vous dire que cette année à la campagne doit être pour Lucien, avant tout, une année de grand air, de vie un peu rude, et, pour les études, seulement d’entretien. C’est sur vos causeries avec lui que j’appelle votre attention. Vous devez insister sur le côté pratique, positif des choses, et sur les principes. Il a quelques défauts qu’il importe de