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LE DISCIPLE

ment douces ? Il s’agissait surtout de tenir compagnie à un enfant de douze ans, le second fils du marquis de Jussat, J’ai su depuis comment cette famille avait été amenée à se retirer pour tout l’hiver dans ce château, près du lac d’Aydat, où ils passaient d’ordinaire les seuls mois d’automne. M. de Jussat, qui est originaire d’Auvergne, et qui a exercé les fonctions de ministre plénipotentiaire sous l’Empereur, venait, déjà entamé par le krach, de perdre une très grosse somme à la Bourse. Ses propriétés étant hypothéquées, et son revenu fortement diminué, il avait trouvé à louer son hôtel des Champs-Élysées, tout meublé et pour un prix très élevé. Il était arrivé dans sa terre de Jussat un peu plus tôt, comptant de là partir directement pour sa villa de Cannes. Une occasion avantageuse de louer aussi cette villa s’était présentée. Le désir de libérer son budget l’avait séduit, d’autant plus qu’une croissante hypocondrie lui faisait envisager sans trop de désagrément la perspective d’une année entière passée dans la solitude. Il avait été surpris, dans ce moment même, par le départ subit du précepteur de son fils Lucien, — lequel s’était sans doute peu soucié de s’enterrer ainsi pour des mois, — et, dare dare, il était arrivé à Clermont. Il y avait fait ses mathématiques, trente-cinq ans plus tôt, sous M. Limasset, le vieux professeur, ami de mon père. L’idée lui était venue de demander à son