Page:Bourget - Le Disciple.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
LE DISCIPLE

lyse intime ; — l’objet à étudier, le Moi humain considéré dans ses facultés et ses passions ; — le résultat cherché, un système d’idées générales capables de résumer en de brèves formules un vaste tas de phénomènes ; — tout, dans cette science nouvelle, s’harmonisait trop bien avec le genre d’esprit que mon hérédité, mon éducation et mes propres tendances m’avaient façonné. J’en oubliai jusqu’à mes lectures favorites, et je me plongeai dans ces travaux d’un ordre encore inconnu avec d’autant plus de frénésie que la mort d’Émile, de mon unique ami, survenue à cette époque, vint imposer de nouveau à mon intelligence si naturellement méditative ce problème de la destinée que je me sentais déjà presque impuissant à résoudre par ma foi première. Mon ardeur fut si vive que bientôt je ne me contentai plus de suivre mon cours. Je cherchai des ouvrages à côté qui pussent compléter l’enseignement du maître, et c’est ainsi que je tombai un jour sur la Psychologie de Dieu. Elle me frappa si profondément que je pris aussitôt la Théorie des passions et l’Anatomie de la volonté. Ce fut, dans le domaine des idées pures, le même coup de foudre que jadis, avec les œuvres de Musset, dans le domaine des sensations rêvées. Le voile tomba. Les ténèbres du monde extérieur et intérieur s’éclairèrent. J’avais trouvé ma voie. J’étais votre élève.

Pour vous expliquer d’une façon très nette