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LE DISCIPLE

reploiements intimes, ce regard jeté à la loupe sur mes moindres détours de pensée, cette scrutation continue de mon être le plus caché, m’intéressèrent à un degré tel que l’attrait de n’importe quel jeu devint nul à côté. J’avais trouvé, pour la première fois depuis la disparition de mon père, un emploi à ce pouvoir d’analyse déjà définitif, presque constitutif en moi.

Le développement donné ainsi à mon sens aigu de la vie intérieure aurait dû produire une amélioration de mon être moral. Il eut au contraire pour conséquence une subtilité qui par elle seule était déjà une corruption, du moins au point de vue de la stricte discipline catholique. Je devins en effet, au cours de ces examens de conscience, où il entra vite plus de plaisir que de repentir, extrêmement ingénieux à découvrir des motifs singuliers derrière mes actions les plus simples. L’abbé Martel n’était pas un psychologue assez fin pour discerner cette nuance et pour comprendre que de me déchiqueter ainsi l’âme me conduisait droit à préférer aux simplicités de la vertu les fuyantes complications du péché. Il n’y reconnaissait que le zèle d’un enfant très fervent. Par exemple, au matin de ma première communion, il me vit arriver auprès de lui tout en larmes, et je lui demandai à me confesser une fois encore. En tournant et retournant le fonds et le tréfonds de ma mémoire, je m’étais décou-