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LE DISCIPLE


II

Mon milieu d’idées.


Les influences diverses que je viens de résumer un peu abstraitement, mais dans des termes que vous comprendrez, vous, mon cher maître, eurent ce premier résultat, inattendu, de faire de moi, entre ma onzième et ma quinzième année, un enfant très pieux. Vraisemblablement, si j’avais été mis au collège comme interne, j’aurais grandi, pareil à ceux de mes camarades que j’ai pu étudier depuis et pour lesquels la fièvre religieuse n’a pas existé. À l’époque dont je parle, et qui marqua l’avènement définitif du parti démocratique en France, une grande vogue de libre-pensée roula de Paris sur la province ; mais j’étais le fils d’une femme très dévote, et je fus soumis à toutes les pratiques de la religion la plus sévère. Je trouve une preuve de ce que je vous ai raconté sur mon goût précoce de la dissection intime dans ce fait que je me sentis, au rebours de mes compagnons du catéchisme, séduit d’une manière presque passionnée par la confession. Oui, je peux dire que durant les quatre années de ma crise mystique d’adolescent, de 1876 à 1880, les grands événements de ma vie furent ces longues séances dans l’étroite guérite en bois de l’église des Minimes, notre paroisse, où j’allais, tous les quinze jours, m’agenouiller et parler à voix basse,