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esprit. Elle se disait en songeant à Pierre : « Je ne l’épouserai pas » et non : « je ne veux pas l’épouser », comme si, d’avoir été le jouet d’événements, si étranges, lui donnait l’impression qu’une destinée pesait sur elle, étrangère à sa volonté. Cet obscur sentiment de fatalisme, cette énigme d’un sort qui ne dépendait plus d’elle, l’accablait de nouveau par cette claire matinée et devant le doux horizon natal, aussi fortement qu’à Paris et dans cette chambre d’hôtel où elle s’était vue, dans la glace, habillée, déguisée en demoiselle riche. La même question se posait à elle, en dépit d’elle, et tout en se la reprochant comme une ingratitude, elle s’y meurtrissait, elle s’y déchirait le cœur. Oui. Où lady Agnès l’avait-elle menée, en la tirant de sa condition, par une charité qui la laissait misérable ? Si elle n’avait pas voué à sa cruelle bienfaitrice une reconnaissance passionnée, elle