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trop autre. Une circonstance d’un ordre exceptionnel avait encore aggravé ce malaise en accentuant cette différence : l’adoption de la jeune fille par une étrangère, à laquelle Marius avait fait une allusion haineuse. Le père lui avait répondu avec une énergie qui prouvait quelle place cet épisode occupait dans la vie d’une famille où les grands événements étaient le gel et la pluie, le cours des primeurs, l’horaire des trains de légumes et de fleurs, ou bien, comme aujourd’hui, l’occasion d’une coupe de bois avantageuse.

Pour les Albani, cette histoire n’était cependant que du passé. Pour Laurence seule, elle continuait. Le moindre incident la lui rendait présente : le regard de son frère, lorsqu’il l’accueillait avec un visage ennemi, comme ce matin, – l’aspect de son père, qu’elle aimait tant, lorsqu’elle le voyait, comme ce matin encore, les mains