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Celui-ci reposait sur le lit, habillé de ses plus beaux vêtements, et presque méconnaissable. Il était tout, enflé par son séjour de plus de soixante heures dans l’eau, verdâtre, et déjà décomposé. Des bouquets de narcisses et des branches de mimosas en fleurs, apportés par les voisins, s’amoncelaient autour du cadavre. Leur violent arôme n’empêchait pas qu’une écœurante fétidité ne remplît la pièce, où les commères du quartier défilaient les unes après les autres. Chaque fois qu’une visiteuse passait le seuil, Mme Nas recommençait de crier et de vociférer, comme si son désespoir se renouvelait avec chaque arrivée d’un nouveau témoin. Par ce besoin d’exaspérer des émotions vraies en les exprimant, qui est la tare de certaines natures méridionales, elle se faisait la comédienne de sa propre douleur. Elle souffrait pourtant avec toute sa chair, comme en témoignait le vieillissement de son masque. L’autre semaine, elle avait les