avait choisi ceux qui lui paraissaient emporter avec eux la moindre souffrance pour ces deux êtres si chers. Mais ces devoirs n’étaient-ils vraiment pas conciliables ? L’image lui revint du tableau qu’il avait eu sous les yeux ce soir même : Henriette prenant la main d’Adèle et leur sourire échangé. Que disait-il, ce sourire donné et rendu, sinon que ces deux créatures étaient faites pour s’aimer, ces deux âmes pour se comprendre, la jeune fille pour être la grande amie de la petite fille ? Elles s’étaient connues, et aussitôt elles avaient commencé de se plaire. Avait-il été coupable de ne pas se jeter immédiatement au travers de cette sympathie naissante, en demandant par exemple à Henriette de quitter le salon aussitôt, comme elle le lui avait offert ? Évidemment non. Serait-il coupable s’il ne s’opposait pas davantage à ce que cette sympathie grandît, s’il laissait les circonstances accomplir leur jeu inévitable ? La vie commune de l’hôtel ne manquerait pas d’amener d’autres rencontres. Henriette et Adèle se reverraient. Elles se plairaient plus encore. Durant sa nuit d’honnêteté intransigeante, Francis se fût dit qu’il devait à tout prix empêcher cette intimité. Maintenant qu’il s’était trop rapproché de l’enfant, il écoutait la voix du sophisme, toujours prête à plaider dans les intelligences incertaines. Cette voix dangereuse, la savante complice de nos faiblesses sentimentales,
Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/228
Cette page n’a pas encore été corrigée