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— « Mais oui, tous les soirs. »

— « Et vous ne recevez personne ? Vous n’allez pas à des dîners ? »

— « Bien rarement, » répondit-elle. « Nous n’avons pas de parents, ici. »

— « Et vous ne vous ennuyez pas de cette vie monotone ? »

— « Je ne m’ennuie jamais, » fit-elle. « Je n’ai pas le temps. Ce qui me manque un peu, c’est une amie… J’aurais aimé à avoir une sœur, je n’ai que Jack, » conclut-elle, avec son sourire de côté et en hochant sa tête mutine.

— « Le fait est que, comme sœur, cet excellent M. Corbin !… », dit Jules. « Ah ! il n’est pas beau ! »

— « Ne vous moquez pas de lui, » implora-t-elle vivement. Un scrupule venait de la prendre. Elle avait semblé mal parler de cet excellent garçon, si fidèle, si dévoué. « Vous ne saurez jamais combien il est bon. »

— « Mais je n’ai aucune envie d’en rire, » dit le jeune homme : « je serais trop ingrat moi-même, après qu’il est venu demander de mes nouvelles tous les jours, pendant ma maladie. »

Cette fois, Hilda ne put s’empêcher d’avoir aux joues une rougeur. Et ce fut un prétexte à Maligny pour continuer :

— « Savez-vous que, dès la première visite, j’ai deviné qui l’envoyait ? J’en ai été d’autant plus touché que j’avais un remords sur la conscience… Mais oui. Je m’étais permis de vous suivre… J’ai dit : un remords — et non pas un regret. Car, si je ne vous avais pas suivie, comment aurais-je appris que vous demeuriez rue de Pomereu ? Vous ne me l’auriez pas fait dire, n’est-il pas vrai ?… Vous m’en avez voulu sur le moment, de vous avoir suivie avec cette insistance ? Avouez-le… »