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comme à Maligny, avec cette grâce de la tendresse qui s’ignore, parce qu’elle se croit seulement de la reconnaissance. Il venait de tant lui plaire, depuis cette dernière heure, de nouveau et de toutes les façons ! Elle avait aimé de lui, d’abord, sa hardiesse à cheval au départ, et sa souple adresse. Si elle était une Cordelia par la physionomie et par le cœur, elle était aussi une écuyère professionnelle, et l’influence de son métier devait se mêler même à son rêve sentimental… Et puis, le philtre périlleux de ce rêve commençait de l’envahir. Elle venait d’écouter, avec tant d’avidité émue, ce que Jules lui avait raconté de son intérieur, de son vieil hôtel, de ses vieux domestiques, de sa vieille mère. Comment eût-elle douté de ces confidences ? Elles s’accordaient aux impressions que son cousin Corbin lui avait rapportées toute cette semaine, quand elle l’envoyait aux nouvelles… Et les deux jeunes gens allaient ainsi, emportés par leurs rapides chevaux, si seuls, si libres, et attirés invinciblement l’un vers l’autre, pour des raisons très différentes ! Au regard des habitués de l’après-midi, au Bois, qui les voyaient passer, ils étaient si bien appariés, si évidemment, semblait-il, créés l’un pour l’autre ! Beaucoup de ces habitués connaissaient Hilda. Ceux-là savaient, pour employer un terme brutal du vocabulaire parisien, « qu’il n’y avait rien à faire avec elle ». Ils savaient, en outre, qu’elle était coutumière de ces accompagnements, quand son père avait un cheval à présenter. Quelques-uns connaissaient aussi Jules de Maligny, étiqueté déjà, par la légende, du titre justifié de « mauvais sujet ». Ils haussaient les épaules d’un mouvement imperceptible, à le regarder si empressé auprès de la jeune Anglaise, dans ce frais décor de verdure nouvelle, d’eaux peuplées de cygnes et de quelques allées cavalières.