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— « Ce n’est pas le regret de sa pauvre maman qui l’étouffera jamais, »songeait-il. « Tant mieux !… C’est bien naturel, d’ailleurs, si cette maman ressemblait au papa et au cousin… Délicieuse petite ! C’est une orchidée poussée dans une écurie… » Et, ravi à part lui de la comparaison, il se prit à changer de sujet, lui aussi, et à causer chevaux, — puisque miss Campbell semblait s’intéresser si passionnément à son métier. Les chevaux les amenèrent bien vite à parler courses, puis, chasse à courre. Jules se rendit compte, aussitôt, que l’habitante d’Epsom lodge connaissait fort bien les divers endroits où fonctionnent les grands équipages des environs de Paris et leur personnel. Il demeura étonné lui-même qu’ayant, à plusieurs reprises, pratiqué volontiers ce sport à Chantilly, à Rambouillet, à Fontainebleau, dans la forêt de Compiègne, partout enfin, il n’eût jamais rencontré la jeune fille. Comme il arrive sans cesse, dans ce Paris qui est, au fond, un conglomérat énorme de toutes petites villes, leurs destinées s’étaient côtoyées en s’ignorant. Mais, ce que Maligny n’ignorait pas, c’était la moralité de la plupart des jeunes gens qui ont le « bouton » dans ces différentes chasses. Avec ce visage d’une joliesse idéale et cette tournure, impossible que Hilda Campbell n’eût pas été remarquée, par suite courtisée. Courtisée, jusqu’où ? Il se posait la question, tout en continuant de galoper avec elle, et, à chaque seconde, il s’éprenait de plus en plus de cette adorable enfant qui ne soupçonnait guère les vraies pensées cachées derrière les yeux de ce décevant garçon, ces beaux yeux slaves qu’elle continuait de trouver si fins, si caressants, si pareils à ceux des viveurs qui l’avaient, en effet, remarquée et qui avaient essayé de la séduire. À tous, elle avait opposé ce flegme qui déconcerte les entreprises des plus audacieux. À aucun elle n’avait souri