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bras. Le cheval sentit, dans sa bouche, le contre-coup meurtrissant de ce choc nerveux. Il secoua sa tête noire et se détendit en deux sauts de mouton pour se débarrasser de celle qui venait de lui faire ce mal. Mais Hilda avait déjà repris son sang-froid et la présentation de l’animal continua sans qu’aucun accident eût gâté le charmant spectacle de tant de grâce unie à tant de courage. Le cheval et son écuyère disparurent derrière la porte de l’écurie Campbell, et les quatre spectateurs de cette dangereuse expérience, si heureusement finie, suivirent à leur tour.

— « Elle veut acheter une nouvelle bête ?… », s’était dit Maligny. « Et quelle bête ! Le milord est plus généreux encore que je ne croyais… Mais pourquoi ne fait-il pas essayer par un professionnel les chevaux qu’il donne à sa petite amie ? Celui-là ne savait rien de rien, et cabochard, avec cela ? J’ai bien cru qu’il la déposait… Décidément, elle monte comme une centauresse… » Et riant à sa propre pensée : « Ce qui est bien, entre parenthèses, la plus sotte des comparaisons, car c’est justement la chose qu’un personnage, mâle ou femelle, de l’espèce centaure ne peut pas faire, de monter à cheval. Il en est un lui-même… » Puis, résolu : « Vous ne me sèmerez pas une seconde fois, belle dame, puisque, en dépit des augures du morticole Graux, notre seconde entrevue paraît devoir marcher si bien… » Songeur : « Mais, a-t-elle rougi de me reconnaître ! A-t-elle rougi !… Ça bichera, pourvu que je suive la méthode de l’ancêtre : France ! France ! En avant ! Vieilleville !… Fichtre ! Elle en vaut la peine. Est-elle jolie ! Lequel de ces trois hommes était le milord ? Le gros devait être le marchand. Le maigre, l’écuyer de la maison. Reste l’autre, qui n’avait pas l’air d’un Anglais… Et la dame ?… Ce sera une camarade. D’ailleurs, qui m’a dit que le monsieur de cette petite est