Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée

dirigeant, une heure après cette conversation, — on voit qu’il n’avait pas perdu de temps, — du côté de la rue de Pomereu, de son pied léger, et de nouveau par une claire, une gaie matinée d’avril, mais d’un avril plus avancé. Il avait pris par le boulevard des Invalides, pour gagner, de là, l’Esplanade, traverser la Seine et monter la pente de l’avenue du Trocadéro. Il y a des arbres tout le long de ce parcours. Ils sont bien grêles et bien maigres, n’ayant ni terroir vraiment riche où nourrir leurs racines, ni vitale atmosphère où épanouir leurs branches. Pourtant, la première sève du printemps courait sous leurs chétives écorces. Elle éclatait en frais bourgeons, qui mettaient, sur ces ramures, un papillotage de petites feuilles vertes frissonnantes au vent. L’or du dôme des Invalides prenait des teintes douces dans l’air bleu. Le jeune homme aspirait cette belle matinée en ouvrant, à la brise grisante, ses poumons de vingt-cinq ans. Il éprouvait cette allégresse du chasseur qui se prépare à battre un fourré de broussailles. Il haussait les épaules à l’idée du médecin et de son conseil : « Quand un savant se mêle d’être aussi un dévot, » se disait-il, « il devient un peu fou. » Graux, en effet, ne se contentait pas d’être catholique pratiquant, il appartenait — ceci soit dit pour expliquer le singulier discours tenu par lui à son malade, — à cette école dont une célèbre lettre du professeur Charles Richet au docteur Dariex, sur les phénomènes psychiques, a formulé le programme : « Faire passer certains phénomènes, mystérieux, insaisissables, dans le cadre des sciences positives. » Notons en passant cet autre phénomène non moins mystérieux : — beaucoup de ces médecins, qui ont exploré ainsi, avec des méthodes expérimentales, les étranges domaines du somnambulisme et de la double vue, de la lecture de pensée et des