Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

comme en une série d’instantanés, empreints dans sa mémoire, les divers épisodes de son aventure : la lutte de la jeune fille avec le chemineau, sa grâce à se relever, son apparition à cheval quand elle était venue lui ramener Galopin, son départ aux grandes allures de sa bête, et le reste, — jusqu’à la rentrée dans l’écurie du marchand de chevaux. Il se reprochait à lui-même d’avoir manqué là de présence d’esprit. Pourquoi n’avoir pas suivi l’inconnue dans la maison Campbell, en exigeant d’elle son nom, sous le prétexte de porter plainte lui-même ? Il en avait le droit, puisqu’il avait été blessé. Elle n’aurait pas pu lui refuser son témoignage… Enfin, il avait laissé perdre cette occasion. Il s’arrangerait pour en provoquer d’autres. Mais qui était-elle ? Un détail, d’un ordre très minime, et très énigmatique, achevait de piquer sa curiosité, au cours de ces rêveries. Dès le soir du jour où il était rentré rue de Monsieur, avec sa main blessée et bandée, quelqu’un était venu demander de ses nouvelles qui avait repassé le lendemain, puis chaque matin. Ce visiteur assidu n’avait pas donné son nom. Le concierge l’avait décrit en des termes fantastiques et qui avaient encore aiguillonné l’imagination du malade :

— « Un monsieur ou un homme ?… Je ne sais pas, monsieur le comte. Un Anglais toujours, et, avec les Anglais, allez donc vous y reconnaître !… Il y a des milords qui vous ont des binettes de jockeys et des jockeys qui vous ont des airs de milords… Celui-là vient sur un cheval, jamais le même, qui vous fait une piaffe dans la rue ! Les pavés en jettent du feu… Il ne m’ôterait seulement pas sa casquette pour demander des nouvelles de monsieur le comte… Je les lui donne. Ah ! il n’est pas causant. Il repart… C’est heureux qu’il sache monter comme il monte. S’il tombait, il se casserait pour sûr quelque membre. Il n’est pas