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serait honteux de ne pas l’être et de l’être… Les ducs non vérifiés n’ont ni fief, ni office, ni rien de réel dans l’État. Ils n’ont que les honneurs extérieurs et les marques des autres ducs, dont ils ne sont qu’une vide et futile écorce… » Il valait la peine de citer ces lignes, qui prouvent que l’on est toujours le vilain de quelqu’un. Saint-Simon daubait un duc de Nadailles, et il faisait lui-même, hausser les épaules à Louis XVI, qui se moquait de sa manie d’« étudier les rangs ». Dédaigner en bas et être dédaigné en haut, c’est le triste lot de toutes les vanités. C’est aussi l’histoire de toute noblesse qui, n’étant pas une aristocratie sans cesse défaite et recrutée par l’embourgeoisement des cadets et l’accession, au contraire, des supériorités de la classe moyenne, s’immobilise et se fige dans cette attitude de mépris infligé et subi. Tous les malheurs passés et présents des hautes classes françaises dérivent de là. Cette philosophie paraîtra bien sérieuse, ainsi énoncée à propos d’une frivole anecdote de la vie parisienne d’il y a vingt ans. Mais les plus menus faits de la nature, s’ils sont regardés de près, peuvent servir, pour un observateur, à démontrer de grandes lois ; et pourquoi refuserait-on, à l’historien des mœurs, le privilège d’appliquer la même méthode aux incidents qu’il raconte, en leur donnant leur pleine valeur par l’indication des causes ? À quoi bon d’ailleurs excuser une disgression dont on va voir aussitôt qu’elle tient de la manière la plus directe à ces incidents ?

Mme de Maligny, toute pieuse qu’elle fût, et toute bonne ; avait, à un degré d’autant plus profond qu’il était plus inconscient, l’orgueil inefficace de sa caste. De là cette dangereuse éducation donnée à son fils, à laquelle il a été fait allusion déjà. À ses yeux, et quoique plus d’un demi-siècle se fût écoulé depuis