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ses cheveux s’échappaient du chignon mal relevé. Sans doute, elle ne se souciait pas de provoquer, par son aspect seul, la curiosité des habitués du Bois, car, après avoir pris ce brusque congé, elle s’engagea, au galop de son cheval, dans une allée un peu détournée. Maligny regarda la fine silhouette disparaître au tournant de droite. C’était la direction de l’Hippodrome d’Auteuil. Le plan du Bois se dessina tout entier devant l’esprit de Jules. Par cette route, la jeune femme ne pouvait gagner que deux sorties : celle de la Muette ou de la Porte-Dauphine. Sans plus se préoccuper de la douleur, aiguë cependant, que lui infligeait la blessure de sa main, Maligny mit lui-même sa bête au grand galop.

Allait-il apercevoir à nouveau la robe alezane du cheval de la mystérieuse enfant ? Il était bien décidé, dût-elle penser qu’il abusait de la situation, à la suivre cette fois, s’il la rencontrait… Elle devait avoir eu, de son côté, un pressentiment de cette poursuite, et son désir passionné d’éviter Maligny alternait sans doute, chez elle, avec un désir, non moins passionné, de le revoir. Il la reconnut, en effet, à la hauteur du lac supérieur, qui avait mis son cheval au pas, et elle regardait sans cesse derrière elle. À son tour, elle reconnut le jeune homme. Elle rougit si profondément, qu’à cette distance il put voir la pourpre du sang incendier ce délicat visage, dont il ne distinguait pas les traits. Cependant, elle ne changea pas aussitôt l’allure paisible qu’elle venait d’adopter. Visiblement, elle ne voulait pas sembler craindre l’approche du poursuivant, qui l’eut bientôt rejointe. Il la salua en la croisant et, l’ayant dépassée, se trouva singulièrement embarrassé. S’il revenait en arrière, il avait par trop l’air de l’épier. S’il poussait de l’avant, il la perdait tout à fait. Un seul procédé s’indiquait : obliquer vers la Muette, toute voisine,