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coupé à travers bois, débouchait, montée sur le Rhin. Elle passa juste à côté du cheval échappé, et, avec son adresse d’écuyère professionnelle, accrocha, du manche recourbé de sa cravache, les rênes pendantes. L’animal, pris à l’improviste, essaya de se débattre une seconde ! Tout de suite, un à-coup du mors, bien donné, lui fit sentir que sa résistance était inutile, et il suivit docilement la jeune fille qui le ramena vers son maître, en disant :

— « Il est tout penaud de s’être laissé prendre… Quand on est sur un autre cheval, ils ne se défient pas et on les rattrape toujours. Vous voyez qu’il ne se défend plus… » Comme Jules, à cause de sa main malade, avait un peu de mal à remonter : « Je vous le tiens », insista-t-elle, du ton dont elle eût parlé à une des élèves en équitation que son métier lui faisait, parfois, conduire au Bois. Et quand il eut, tant bien que mal, chaussé ses étriers et ajusté ses rênes, elle ajouta : « Il ne me reste, monsieur, qu’à vous remercier du fond du cœur… Sans vous, il est très probable que cet assassin m’aurait tuée… »

— « Et sans vous, madame, répondit le jeune homme, « il est très certain que je devrais rentrer à pied et peut-être aurais-je perdu ce mauvais drôle de Galopin… Mais, » continua-t-il avec la même grâce insinuante, « vous me permettrez de vous donner mon adresse, pour que vous disposiez de moi à votre gré comme témoin, si l’on arrête ce brigand, car on l’arrêtera, je l’espère… J’ai son signalement si net, ici. » Il montrait son front d’une main. De l’autre il avait tiré de la poche de son gilet un petit étui en argent où Hilda put voir, gravée, une couronne. Elle prit la carte mince qui portait simplement : Le comte Jules de Maligny, et au-dessous : 38, rue de Monsieur. Le jeune homme n’avait pas fait cette offre de témoignage ni offert sa carte au hasard. Il avait vu là une