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du Blaisois et qui figure, avec honneur, dans les mémoires sur la vie du maréchal de Vieilleville, écrits par Carloix. Il s’appelait Jules de Maligny. Un Maligny a épousé, à la fin du XVIIIe siècle, à Varsovie, où l’avaient entraîné les hasards de l’émigration, une comtesse Marie Gorka, de l’antique maison de Lodzia. Cette particularité d’origine explique comment Jules possédait, mélangée à la vive élégance d’un jeune seigneur de notre tradition nationale, une grâce caressante et souple qui lui venait de cet atavisme polonais. Il y avait du Slave dans ce Français, si Français pourtant. De là dérivait ce je ne sais quoi d’un peu alangui répandu sur toute sa personne, qui déconcertait et qui charmait tout à la fois. Ces quelques détails, que Hilda ne devait connaître que plus tard, étaient nécessaires à donner ici, au risque de diminuer un certain intérêt de surprise. Ils feront mieux comprendre quelle impression dut ressentir, en étudiant son défenseur de plus près, la pauvre petite Anglaise, au cœur inéveillé, à l’imagination sans analyse, qui le regardait nouer gaiement son mouchoir sur une blessure reçue pour elle.

— « Voilà !… », dit-il avec le rire d’enfant qu’il savait avoir et qui prenait plus de grâce encore sur sa bouche hardie, après qu’il venait de montrer une si intrépide audace. Il secoua sa main bandée et il ajouta : « Dans huit jours, il n’y paraîtra plus… » Puis, regardant autour de lui : « Il faut que je retrouve mon cheval, si je veux pouvoir vous raccompagner… Bon. Il s’est arrêté à brouter l’herbe au bout de l’allée. Il n’a pas volé son nom : Galopin. Le temps de le rattraper, pour qu’il ne lui passe pas par la tête l’idée de vagabonder à sa fantaisie, je reviens vous mettre en selle… N’ayez pas peur, madame, je ne vous perdrai pas de vue… »

— « Mais, je n’ai pas peur, monsieur… », dit miss