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chance assurée de sauver sa vie, accepterait cette espèce de marché. Les repris de justice qui battent l’estrade autour de Paris connaissent leur code pénal comme de vieux magistrats. C’est leur matière exploitable, si l’on peut dire. Ils savent où risquent de les conduire un guet-apens et un assassinat. Ils savent aussi qu’un vol accompli dans de certaines conditions n’est pas vraiment recherché. Les victimes mêmes de ces vols n’apportent pas un grand zèle à leur poursuite. La somme est minime. Les bijoux ne sont pas très précieux. On dépose une plainte, un peu pour la forme. Les indices sont vagues. Aucun ne met la police sur une trace nette, et le tour est joué. Il arrive encore — c’était, sans doute, le cas — que le malfaiteur est un ancien ouvrier. Le chômage, l’ivrognerie, les mauvaises fréquentations l’ont perdu. Le premier meurtre à commettre lui représente, quand même, un étage descendu dans sa propre conscience, et il recule. Quel que fût le motif, l’homme, évidemment, hésitait à tuer. Mais, s’il escomptait la panique dont il croyait la jeune Anglaise saisie, il devait constater vite qu’il se trompait. Elle eut à peine le cou un peu plus libre, qu’elle ramassa son énergie dans un effort suprême. Elle lança de tous ses poumons des cris désespérés, en même temps que de ses poings fermés, elle frappait le misérable à la face avec une telle vigueur, que le sang jaillit.

Pendant l’éclair d’une seconde, la douleur et la surprise firent lâcher prise à l’homme. Hilda le saisit à son tour et, d’une secousse violente, elle le fit rouler et roula avec lui jusque dans les jambes du cheval, qui, parfaitement indifférent au danger de sa maîtresse, continuait à déchirer, de sa dent gourmande, les vertes et tendres aiguilles du sapin auquel il était attaché. C’est cette inconscience absolue de ces animaux, jointe à leur folle émotivité, qui