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Elle avait sauté à terre lestement seule, en formulant ainsi tout bas, pour son propre compte, la grande maxime nationale du self-help. Elle se trouvait, à ce moment, dans une des parties les plus désertes, en ces années-là, du bois de Boulogne, celle qui s’étend entre la Muette, le champ de courses d’Auteuil et les fortifications, et qu’un peuple de malandrins rendait aussi dangereuse qu’une route perdue de Grèce ou du Maroc. Aujourd’hui, un quartier neuf commence d’y surgir. Hilda s’était promenée là cent fois, et il ne lui était jamais rien arrivé. Elle se dit que pour réparer, dans la mesure du possible, le dégât survenu à sa selle, le mieux était de tirer le cheval hors de l’étroite allée cavalière où il pourrait être effaré par d’autres bêtes et les effrayer. Elle entra donc dans le taillis avec le Rhin, qu’elle attacha, par la bride, à la branche d’un sapin. Le goulu s’occupa aussitôt à manger les pousses, verdissant avec ivresse son filet, son mors et sa gourmette. Hilda, cependant, penchée près de l’épaule, procédait à un minutieux examen des sangles demeurées intactes et du surfaix de sûreté dont la bouche s’était simplement décousue. Elle en était à se demander s’il valait mieux le couper entièrement ou bien l’assujettir avec un nœud, quand une sensation de terreur s’empara d’elle, si violente que, pour une seconde, elle en fut paralysée. Deux mains brutales la saisissaient par derrière, aux bras. Elle voulut se relever, se débattre. Elle fut jetée à terre, et l’homme qui l’avait attaquée ainsi à l’improviste la tint immobile, les doigts autour du cou, cette fois, en lui disant :

— « Pas de bêtises, la petite dame, ou bien nous faisons connaissance avec ce lascar-là… »

La lame d’un couteau luisait dans sa main libre. Hilda put reconnaître, à la physionomie du bandit, qu’il ne proférait pas une vaine menace. Elle avait