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qu’elle s’est découverte pour la voir aussitôt mourir. Elle ne l’a connue que quelques heures ; — mais quelques heures ! — et par une piété que le monde jugerait bien étrange, et qui me touche, moi, depuis que je sais tout de cette histoire, plus que je ne peux dire, chaque année, le 2 novembre, elle vient jusqu’à ce cimetière de Neuilly, après être allée à celui du Père-Lachaise où les Bonnivet ont leur tombeau, et celui de Passy, où sont enterrés ses morts à elle. La douce et tendre femme, moins jeune mais si jolie encore, arrive dans une automobile, avec une gerbe de roses rouges qu’elle dépose sur la pierre où se lit le nom de Hilda Campbell. Aucune autre main ne la fleurira jamais, cette pierre abandonnée et solitaire, que celle de cette ancienne rivale. Elle emmène avec elle, dans ce pèlerinage, ses deux filles qui ont maintenant, l’une dix-sept ans, l’autre quinze. Elle leur a dit simplement que c’était la tombe d’une amie inconnue. Elle leur partage quelques-unes de ses roses. Elle leur demande de les mettre à côté des siennes, et elle prie Dieu avec tout son cœur de mère, pour que cette charité du souvenir soit bénie et qu’il soit épargné à ces tendres enfants de vivre, — comme l’infortunée Hilda, comme elle-même, — un roman d’amour où le héros ne cherche que l’émotion et non le dévouement.


FIN.