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pendante. Il voit l’obstacle qui obstrue sa route. Nul moyen de s’échapper à droite ou à gauche. Ramassant ses forces, il bondit. Sa poitrine donne contre Hilda, qui roule à terre. Il roule sur elle et se relève pour fuir encore, tandis que la meute passe tout entière sur le corps de la jeune fille désarçonnée… La vue de son cheval, qui s’échappe avec la selle vide, arrêtera-t-elle les chasseurs, qui dévalent, maintenant, derrière les chiens ? Corbin s’élance au-devant d’eux en criant. Les plus enrages continuent leur course, mais en galopant dans le bord de l’avenue opposée à celui où la jeune fille est étendue…

Était-elle morte ?… Le fidèle Corbin avait sauté de cheval. Agenouillé auprès d’elle, il lui tenait la tête. Elle avait les yeux clos. Une pâleur livide couvrait son visage. Il répétait : « Hilda !… Hilda !… » sans qu’elle donnât aucun signe qu’elle entendît cet appel. Un rassemblement s’était formé autour d’eux, où se trouvaient deux personnes pour qui ce terrible accident représentait, comme pour Corbin, tout autre chose qu’un hasard. La première était Mlle d’Albiac. L’autre Jules de Maligny ; elle, partagée entre la pitié pour ce qu’elle voyait et l’épouvante de ce qu’elle comprenait, — et lui… Tandis qu’elle sautait à bas de son cheval, elle aussi, pour aider le pauvre Corbin, il n’osait pas s’avancer, lui, soudain foudroyé devant sa victime par le remords d’avoir été si infidèle et si dur envers cette tête charmante ! Sa sensibilité, très instable, mais très vive aussi, s’émouvait d’une compassion qui décomposait ses traits, qui mettait dans ses yeux une terreur, dans sa voix un tremblement pour répéter : « Ah ! mon Dieu ! Pourvu qu’elle ne soit pas morte ! » Il ne se souvenait plus qu’il y avait là, penchée sur Hilda évanouie, une jeune fille dont il rêvait, cinq minutes auparavant, de faire