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— « La guerre ?… » répéta Hilda, que cette inattendue demande achevait de bouleverser.

— « Oui, la guerre, » reprit Maligny. « Vous ne me ferez pas croire, à moi qui vous connais, que c’est comme marchande que vous avez présenté ce cheval » — et il montra, de la pointe de son fouet de chasse, la monture de Corbin, lequel s’était écarté avec une horreur à peine dissimulée — « à Mlle d’Albiac, que vous ne connaissiez pas. Vous l’avez vue galoper avec moi. Peut-être vous a-t-on dit que je voulais l’épouser. Si cela me convient, j’entends le faire sans avoir à déjouer vos calculs… » Son regard et sa voix soulignèrent cette phrase. « Je tiens à le savoir, puisque vous allez, sans doute, vous rencontrer quelquefois, sous le prétexte de cette vente du cheval… »

— « …Si je lui parlerai de vous et ce que je lui dirai ? Ne continuez pas, monsieur de Maligny, » interrompit Hilda Campbell avec une indignation qu’elle non plu ne pouvait dissimuler. « Je n’ai pas mérité que vous me parliez de la sorte. Je n’ai jamais rien fait qui pût vous gêner dans votre vie. Je ne ferai jamais rien… Mais laissez-moi, parce que mes forces ont des limites, et on nous regarde… »

Ces mots devaient être sa seule plainte contre un interrogatoire si injuste, et commencé sur un ton d’ironie qui en aggravait encore l’âpreté. Elle les prononça en donnant un coup de talon à son cheval, qui partit au petit galop. John Corbin s’élança derrière elle. Ce double départ ne fut remarqué que par Maligny, qui demeura, malgré son sang-froid, décontenancé de cette réponse, et par Louise d’Albiac, devant laquelle l’énigme des rapports entre le jeune homme et l’écuyère, dissipée un instant, se posa derechef. Ils n’eurent le temps, ni elle de le questionner, ni lui de faire appel à son « fabulisme »