Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

retourner, cette fois, pour appeler d’Albiac et sa fille, trop évidemment préoccupé du désir d’échapper à une nouvelle explication avec son interlocutrice. Le tout avait été si rapide, que Louise aurait cru avoir rêvé. Mais non. Sa rivale était toujours là, immobile, les yeux fichés en terre, véritable image du désespoir. À côté d’elle, se tenait, non moins immobile, l’étrange figure du cousin. Mlle d’Albiac en avait été trop frappée déjà pour ne pas avoir demandé qui était ce phénomène au profil tout ensemble falot et tragique, avec son nez infini et son énorme balafre en bourrelet sous la visière de sa casquette. Et une troisième conversation s’était engagée, qu’elle n’avait pas plus entendue que les deux autres et qu’elle avait suivie de loin avec le même intérêt passionné.

— « Que vous a-t-il dit, Hilda ? », avait interrogé Corbin en anglais.« Vous a-t-il demandé pardon de l’infamie qu’il a suggérée à cette abominable Mme Tournade ? »

— « Ne croyez pas cela, John, avait répondu Hilda. « Il n’est coupable de rien. Il ne lui a rien suggéré. C’est moi, entendez-vous, c’est moi qui ai tout mérité. »

— « Vous ? », interrompit Corbin. « Est-ce votre faute si cette hideuse Jézabel — que vous aviez raison, de l’appeler ainsi ! — a voulu monter un cheval trop bon pour elle, et si elle a eu peur ?… »

— « Je n’avais pas le droit de faire ce que j’ai fait !… » répondit Hilda. « Si mon père s’en doutait, jamais il ne me le pardonnerait, et vous-même, quand vous le saurez… Cette femme m’avait parlé si durement ! J’étais si jalouse de l’avoir vu, lui, parler avec Mlle d’Albiac !… J’ai poussé mon cheval pour le rejoindre, d’abord, puis quand j’ai vu qu’elle avait peur, j’ai poussé le sien aussi. Nous sommes parties