Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/285

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il n’y avait pas de chants d’oiseaux dans les profondeurs fauves de la forêt touchée par l’automne. Elle en eût été toute pleine, comme au printemps, que leur gazouillis n’eût pas trouvé d’écho dans le cœur de ces deux enfants, si jolies toutes deux, si fines, si éloignées, semblait-il, et pour toujours, l’une de l’autre, par leur condition, et voici qu’un commun sentiment pour un même homme les rapprochait. Voici qu’elles éprouvaient, l’une pour l’autre, cet attrait de curiosité passionnée qu’une rivalité comme celle où elles étaient engagées provoque aussitôt. On a deviné, déjà, que la jeune fille du grand monde avait reçu un avertissement qui lui avait appris l’existence de la pauvre petite écuyère, et de quelle nature. La veille de cette chasse, un billet anonyme lui avait annoncé la présence probable, à Rambouillet, d’une personne à qui M. de Maligny s’intéressait particulièrement. — « Si vous vous imaginez qu’il vous aime, ma petite demoiselle, » disait cette lettre, « vous vous trompez. Il vous joue la comédie comme il la joue à cette fille, qui s’appelle miss Campbell, et dont le père est marchand de chevaux. Renseignez-vous, et vous en apprendrez long sur votre joli monsieur. À bon entendeur, salut. » Est-il nécessaire d’ajouter que la main qui avait tracé, en renversant son écriture, les caractères de cette coupable missive, était celle de l’ancien mannequin ? Il y a un proverbe, dans le style énergique cher à du Fouilloux : « La caque sent toujours le hareng. » Mme Tournade n’avait pas eu de calcul précis en commettant cette très vilaine action. Elle avait cédé