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1902, il avait quarante-trois ans. Des mains, fortes à étrangler un bœuf, terminaient ses longs bras. Ses jambes démesurées, maigres et nouées de muscles durs comme des cordes d’acier tressé, s’achevaient par des pieds proportionnés aux mains. Il était chaussé, du lever au coucher, de bottines tellement astiquées de crème jaune, qu’elles avaient la couleur du buis. Des jambières d’un ton pareil serraient, on ne peut pas dire son mollet — où ce renflement se serait-il placé ? — mais son tibia. Lui aussi ne quittait jamais, quelle que fût, par ailleurs, son occupation, son costume de cavalier. Avec ces formidables pinces, il n’avait pas plus tôt enfourché une bête, que celle-ci pouvait sauter, ruer, se secouer. Un étau de fer l’étreignait. Elle se serait roulée sur le dos, qu’elle n’aurait pas désarçonné son écuyer. Un jour, la chose était arrivée. Au cours d’une chasse dans la forêt de Chantilly, le cheval que montait Corbin avait manqué des quatre pieds. Il était tombé sans que le cavalier desserrât les genoux. L’animal ne s’était arraché de cette prise qu’après une lutte désespérée. En se relevant, le fer d’un des sabots de derrière avait littéralement scalpé le malheureux homme. La peau du front fut comme coupée avec un couteau, d’une oreille à l’autre. Une hémorragie suivit, si forte qu’elle sauva le blessé du transport au cerveau que devait provoquer un tel coup. Les chirurgiens ont rabattu cette calotte sanglante qui pendait. Ils l’ont recousue tellement quellement. Jack avait guéri, mais un long bourrelet rouge marquait la suture, juste à la racine des cheveux, qui avaient tous disparu. Un traitement électrique les a fait plus tard repousser, floconneux, légers, comme ceux d’un petit enfant. Ce terrible accident n’avait pas embelli cette physionomie déjà si peu faite pour inspirer l’amour. Aussi Jack Corbin, qui avait toujours été un