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sentimentales dont il était si friand, il avait cédé comme six mois auparavant, avec sa « promise » d’une heure, au goût passionné d’un certain charme féminin. Il s’était intéressé à la jeune fille du monde pour les mêmes motifs que jadis à Hilda, ou de très analogues. Les deux jolies enfants se ressemblaient, à travers les prodigieuses différences de leurs conditions, par un mélange attirant d’énergie et de grâce, d’innocence et de courage. Louise d’Albiac avait, par passion, les goûts que Hilda Campbell avait par métier. Elle était svelte et souple comme Hilda, avec un sourire et des yeux tour à tour naïfs et farouches, infiniment tendres dans l’émotion, et si hardis, presque si virils, pour affronter le danger : le galop d’une bête tout près d’être emportée, le saut d’un obstacle tour près d’être trop haut. Enfin, Mlle d’Albiac était, elle aussi, de cette race des Diane, — n’y a-t-il pas eu, dans les temps antiques, un culte de l’Artémis Heurippée, celle qui protège les chevaux ? — Mais, si c’était une Diane plus comblée et mieux née que Hilda, sa dot modeste n’avait pas de quoi tenter un garçon de vingt-cinq ans, assez initié déjà aux réalités de la vie parisienne pour savoir qu’avec trente mille francs par an et certains goûts, un ménage fait maigre figure dans un certain monde. Le revenu de l’héritière des bougies Tournade représentait à lui seul le capital de cette rente. Ces chiffres suffisent à expliquer l’énigmatique Jules. Encore vaguement troublé par le souvenir de sa délicieuse idylle du printemps, il l’avait recommencée, à l’automne, avec une espèce de sosie moral de son amie de la rue de Pomereu. C’était une constance dans l’inconstance, une fidélité dans l’infidélité. Et puis, il n’avait pu s’empêcher d’être attiré, dans un tout autre sens, par la possibilité d’épouser la richissime veuve, laquelle s’était éprise de lui la première, et follement. Ces mêmes chiffres