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main sur l’épaule d’Oreste, fille virginale des gymnastes, aussi grande que son frère et qui, pourtant, se distingue de lui par la grâce dans la force, par la pudeur dans l’énergie. Ce charmant et ferme visage de Mlle Hilda Campbell — car l’« Électre archaïsante » de la rue de Pomereu était tout prosaïquement la fille du marchand de chevaux — s’éclairait de deux yeux bleus, ceux de son père, mais qui prenaient, sous les sourcils et entre les cils d’or, une fraîcheur de pétale de pervenche. Une épaisse chevelure d’un fauve presque roux couronnait le front, qui n’était pas très haut, mais dans la coupe duquel un phrénologue eût retrouvé le signe de la volonté déjà révélée par le menton.

Le contraste entre ces témoignages d’une décision toute virile et la tendresse émue, la rêverie enfantine des prunelles, achevait de donner à cette physionomie une grâce singulière, et plus encore un autre contraste, qui tenait du fantastique, celui de cette beauté d’héroïne de Tennyson avec la profession qu’elle exerçait et dont elle portait le costume. Le commerce de Campbell consistait, d’abord, en chevaux de chasse. C’est seulement par exception qu’il vendait des bêtes d’attelage. Ces chevaux de selle, il fallait bien les « mettre ». Un de ses neveux, John Corbin, dit plus familièrement le grand Jack, se chargeait d’une partie de ce dressage. Il faisait l’éducation des montures d’hommes. Celle des montures de dames ressortissait à Hilda. De dix heures du matin jusqu’à six ou sept heures du soir, la jolie créature n’avait d’autre occupation que de se tenir en selle sur le dos de chevaux qui, bien souvent, n’avaient jamais senti une jupe frôler leur flanc. Ses belles tresses rousses massées sous son petit chapeau rond de feutre noir, une fleur à sa boutonnière et son joli buste serré dans le corsage sombre qui moulait