Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

III

HILDA JALOUSE


Pour que la douce et si équitable Hilda eût traité son cousin comme elle traitait ses chevaux rétifs, avec la cravache, le mors et l’éperon, il fallait que la révélation des intrigues prêtées à Jules de Maligny par les bavardages du monde eût éveillé en elle des sentiments d’un ordre très nouveau. Elle savait trop que Jack Corbin lui avait parlé avec une absolue bonne foi. Elle n’ignorait pas que le seul dessein du maladroit avait été de lui être bienfaisant. Si une souffrance aiguë ne l’avait, elle aussi, jetée hors d’elle-même, elle se serait rendu compte, sur place, de la vérité : cet honnête homme, son parent le plus proche après son père et qui se trouvait initié à ses plus intimes secrets de cœur, avait l’obligation stricte de l’avertir dans une occurrence pareille. Le procédé avait été brutal. Le brave garçon n’avait pas mérité ce traitement, d’autant plus dur, émanant de Hilda, qu’elle montrait tant d’indulgence aux défauts même des indifférents. Avec son instinct d’amoureux dédaigné, Corbin ne s’y était pas trompé : cette dureté de langage, extraordinaire chez miss Campbell, prouvait avec quelle violence elle continuait de chérir l’abandonneur. Ç’avait été un sursaut de sa passion, touchée au vif par une idée à laquelle la pauvre enfant n’avait jamais pensé. Elle avait été, depuis la rupture avec son fiancé d’un jour,