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à Londres ? Les portes vertes de ces box, ouvertes dans leur partie supérieure, donnaient sur une large cour au fond de laquelle se dressait une petite maison en briques rouges, avec des fenêtres étroites, très pareille, sous son revêtement de vigne vierge, à quelque demeure bourgeoise de Kensington. Cette ressemblance était encore accrue par une espèce de renflement vitré ménagé au premier étage, et où l’architecte avait essayé de reproduire le bow-window classique. La maison, enfin, montrait ce nom sur sa porte, laquelle était en bois peint et d’un seul battant : Epsom lodge. C’était probablement la seule de tout ce quartier, si exotique pourtant, qui fût baptisée ainsi, comme un cottage anglais. Avec cela, tous les garçons d’écurie étaient Anglais, les couvertures des chevaux anglaises, les licols anglais, les brides anglaises, les selles anglaises !…

Pour achever cette impression, d’un pittoresque singulier, une jeune fille allait et venait dans cette cour, caressant, elle aussi, les têtes des chevaux, leur donnant du sucre, prononçant, de la pointe de ses dents blanches, les sacramentels : « Dear old boy… You jolly chap… » et autres douceurs ; et cette enfant de vingt-deux ans avait le plus idéal visage de miss blonde qui ait jamais illustré le vélin d’un Keepsake. Son teint délicat offrait au regard cette transparence blanche et rosé où l’on voit l’ondée d’un sang jeune et riche courir sous la peau. Elle avait le nez droit et coupé assez court, les lèvres bien ourlées, le menton un peu long, carré et frappé d’une fossette, les joues minces, la tête petite, tout cet ensemble qui donne souvent, aux jeunes filles anglaises, ce caractère d’une beauté si saine, si robuste, qu’elle est, par moments, presque masculine. Certaines statues de jeunes Grecques montrent un charme pareil, ainsi cette Électre du musée de Naples qui s’appuie de la