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« Vous l’avez vu, Candale, c’est incroyable, » — « Incroyable, en effet, » répondit M. de Candale. MmeMosé reprit : — « Ce petit Maligny n’a pas le sou ; avec cela, joueur, coureur… (ce n’est pas moi qui parle, Hilda, c’est elle…) et on dirait qu’il le veut absolument pour gendre. » Le comte de Candale haussa les épaules. — « D’Albiac ? » fit-il, « jamais de la vie. Il ne se doute pas que Louise s’est toquée de Jules… » — « Il serait le seul… Laissez-moi donc tranquille. À moins d’être aveugle… » — « Les pères et les mères sont toujours aveugles, » dit M. de Candale : « Cette histoire a commencé cet été durant ce voyage en Norvège, qu’ils ont fait sur le même bateau, par hasard. Quand d’Albiac en est revenu, si vous l’aviez entendu parler de Maligny, vous sauriez qu’il n’a jamais pensé à Jules comme à un gendre possible. Il n’a pas deviné que Louise était devenue folle de ce beau sire, durant la croisière. Il l’aurait deviné, d’ailleurs, il aime tellement sa fille, je vous l’accorde, qu’il serait capable de lui céder, même en jugeant ce garçon, comme il le juge. Mais il n’a rien deviné. » — « Et Maligny ? » demanda Mme Mosé. « Il est aveugle, lui aussi ? » — « Lui ? C’est autre chose. Ça le flatte que cette petite l’aime. Et puis ça lui est utile, pour l’autre affaire. » — « Le mariage avec cette vieille Tournade ? Ça, ce serait complet. Vous y croyez au paquet Tournade ? » — « Si j’y crois ? La Tournade était aussi du voyage en Norvège. C’est là qu’il s’est amusé à les piquer au jeu toutes deux, en les rendant jalouses l’une de l’autre. Une femme de quarante ans passés, comme Mme Tournade, on la mène où l’on veut, quand elle est en rivalité avec une jeune fille de vingt… » — « Et elle épouserait ce sauteur, qui pourrait presque être son fils ? » — « Il est bien joli garçon, d’abord, ce sauteur, et puis, Madame la comtesse de Maligny, savez-vous que c’est un beau nom, un très beau nom,