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les chevaux nerveux. Ce sont les seuls qui ne vous fassent pas de mauvaises bêtises. Mme Mosé ne fut pas plus tôt en selle, que la bête commença de danser. Cette dame est énergique, et elle monte bien. Elle n’avait pas peur. Mais son mari avait peur pour elle. Je lui affirmai qu’il n’y avait aucun danger. Il me pria de ne pas quitter sa femme… Je devais vous dire cela, Hilda, afin de vous expliquer comment je me suis tenu tout près de Mme Mosé, assez près pour que j’entendisse toute sa conversation, tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre. Je tiens à ce que vous soyez bien sûre que je n’ai pas écouté de propos délibéré. Je n’aurais pas fait une telle action, même pour vous. Seulement, je ne pouvais pas ne pas entendre. Comme je n’ai jamais parlé qu’anglais à Mme Mosé, elle croit, sans doute, que je ne comprends pas le français. Je ne m’explique pas autrement qu’elle ait causé avec cette liberté devant moi, alors que j’étais à un mètre de sa bride, tout posté pour arrêter la jument par la figure, si la bête s’avisait de vouloir l’emmener… Ce furent, d’abord, des propos, comme ces femmes en ont, sur le temps qu’il fait, par exemple, — comme si on avait besoin de parler du temps qu’il fait ! Chacun n’a qu’à ouvrir les yeux pour s’en rendre compte, — sur les chevaux et les cavaliers de l’équipage, — autant de paroles, autant de non-sens, — sur… Mais je deviens aussi bavard que Mme Mosé et que les beaux messieurs qui s’approchaient successivement pour parader à côté d’elle… À un moment, elle causait avec le comte de Candale, le grand, celui qui prend souvent des chevaux chez nous. M. de Maligny vint à passer, à grande allure, suivi par deux personnes, allant du même train : un homme d’un certain âge et une toute jeune femme, une demoiselle. — « Ce pauvre Guy d’Albiac est donc aussi fou que sa fille ? » dit Mme Mosé.