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est légère ! Sa jaquette ajustée flotte et fait des plis sur sa poitrine. La ligne de son joli visage s’est comme émaciée… Le cheval part. Hilda disparaît, et un éclair de haine sauvage passe dans les prunelles de Corbin. Il a fait une autre promesse à sa cousine. Il lui a juré que, si le hasard le plaçait en face de Jules, il ne se permettrait aucune allusion aux fiançailles rompues. Il aime trop absolument, trop fervemment Hilda, pour manquer à cette parole. Sa crainte de l’offenser est trop sincère pour qu’il cherche querelle au félon. Car il ne doute pas qu’il n’y ait eu félonie, en dépit des affirmations auxquelles il a fait semblant de croire. Ah ! s’il était libre, qu’il aurait tôt fait d’aller rue de Monsieur attendre son rival, — toujours préféré par sa victime, malgré sa perfidie, — et quel soulagement de le châtier ! Les rudes mains de l’Anglais se contractent à la seule idée de cette séance de boxe vengeresse et du « punishment » qu’il lui infligerait. Jamais ce mot, par lequel les pugilistes d’outre-Manche désignent un coup de poing bien porté sur un nez dont jaillit le claret, ou sur une côte qu’il enfonce, ne serait plus justement appliqué que dans ce cas, se dit à part lui Corbin. Il entre dans un box pour se distraire, par ses besognes de métier, des accès de violence qui l’obsèdent. Sa colère intérieure se dépense en rauques apostrophes à quelque animal, coupable de s’être roulé dans sa litière ou de n’avoir pas achevé l’avoine de sa mangeoire. Si d’aventure Bob Campbell se trouve à portée de ces rudes éclats de voix, l’oncle ne manque pas de s’arrêter en hochant la tête.

— « Jack est un brave garçon, » grommelle-t-il entre ses dents, « et il monte dur… Mais il se fera casser la tête un de ces jours à traiter les chevaux si brutalement… Il le sait, pourtant, que les bêtes comprennent tout… Moi, je conduirais n’importe laquelle